Jean-Paul Jeunet, une boîte de conserve et 2 étoiles
Le chef
D’une gentillesse incroyable, moustache avenante et yeux rieurs, Jean-Paul Jeunet peut parler pendant des heures de l’objet de toute son attention : sa région.
Né à Arbois, dans un environnement où la cuisine tient une place importante, le petit Jean-Paul respire dans les casseroles. Car déjà avec André Jeunet, son père, la destinée familiale prend un tournant gastronomique. Même si… lors d’un bal populaire dans le village, une jeune fille insiste pour lui vendre des billets de tombola, André gagne un cassoulet. Edgard Faure les maria. « Je suis né en 1954 grâce à une boîte de conserve », plaisante Jean-Paul Jeunet.
En 1957 Jean Didier futur fondateur des guides Kléber Colombes et Bottin Gourmand, alors simple stagiaire au guide Michelin, passe dans la région du vin jaune et de la cancoillotte. André Jeunet reçoit quelque temps plus tard un courrier louant les qualités de son restaurant, mais l’encourageant à dévisser le panneau « routier ».
Rapidement, la salle de l’étage se convertit en restaurant gastronomique, tandis qu’au rez-de-chaussée demeure le bar que fréquentent quotidiennement les Arboisiens.
Fils unique, Jean-Paul Jeunet n’a nullement l’intention de devenir cuisinier, mais ses ambitions de vétérinaire ne rencontrant pas le succès escompté, ce sera l’école hôtelière. Un vrai tournant survient lorsqu’il croise les chefs qu’il admire : Alain Chapel qui l’influencera beaucoup, puis les frères Troisgros à Roanne, Jacques Manière également au Dodin Bouffant.
Pour finir, il complète, toujours à la capitale, son apprentissage chez Jean Millet. Là, il sympathise notamment avec le chef pâtissier Denis Ruffel, et le boulanger Jean-Luc Poujauran, « une bande de copains passionnés par la vie et par la cuisine, avec qui nous refaisions le monde ».
Mais il se décide finalement à revenir dans son Jura, soucieux d’ancrer sa cuisine dans la région dont il est le fier porte-drapeau. Ainsi Morteau, absinthe, gaude, volailles de Bresse, fera du Lac Léman, gibiers, escargots “Petit Mercey “, champignons des bois et herbes sauvages sont magnifiquement mis en valeur sur une carte alléchante.
Son audace paiera puisqu’en 1996, sa créativité sera couronnée par l’obtention d’une deuxième étoile au guide rouge. Aujourd’hui, Jean-Paul Jeunet veille toujours au grain, mais de loin. Pour fêter les 20 ans de double macaron, en 2016, il a en effet donné les clefs de la cuisine à celui qui l’a secondé de nombreuses années : le Brugeois Steven Naessens qui a su garder le style et les récompenses. Une adresse qui mérite amplement un passage par les vallons jurassiens.
Le mot du chef
J’aime à me rappeler l’utilisation des fanes de blettes que mon parrain expatrié à Menton cuisinait en salade lors des vacances d’été. Bien plus tard, revenu au pays, je me suis empressé d’utiliser cette feuille végétale de multiples façons sautée à cru, frite en tempura ou simplement tombée avec de la crème puis parsemée de comté râpé pour être gratinée. Là était pour moi la vraie valeur du cuisinier dans son opportunité à réaliser avec des produits simples, des plats d’excellence.
J’ajouterai que le devoir du cuisinier d’aujourd’hui, c’est aussi de valoriser la richesse gastronomique de nos régions au travers de son terroir et de tous ses artisans qui œuvrent chaque jour avec humilité pour perpétuer la belle histoire gourmande de la France. Cette recette de truite représente pour moi la Madeleine de Proust que nous avons tous pu connaître et que nous recherchons à chaque moment de gourmandise.
Infos pratiques
Maison Jeunet 2 étoiles Guide Michelin, 15,5/20 Gault et Millau 9 rue de l’Hôtel de Ville, 39600 Arbois Tél. : +33 (0)3 84 66 05 67 https://maison-jeunet.com/
Deborah Rudetzki
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